Angoisse et perte de représentation
L’origine pulsionnelle de l’angoisse
Les pulsions, issues du ça, sont des énergies primaires, libres, sans représentation, cherchant une décharge immédiate. Lorsque le Moi parvient à les lier à des représentations ou à des affects, la tension s’abaisse : la pulsion est élaborée, différée, voire sublimée. Ce processus appartient à l’économie des processus secondaires. Aucun conflit n’émerge alors, et l’angoisse ne surgit pas.
Mais si la pulsion reste non liée, cette énergie libre non représentée produit de l’angoisse. Ce phénomène résulte d’une défaillance du travail de liaison psychique : le Moi est débordé, incapable d’imaginer, symboliser ou mettre en mots ce qui l’envahit. La pensée se fige. Le sujet, confronté à l’absence d’objet ou de soutien, ne peut représenter le manque, et l’angoisse surgit comme signe de cette impuissance symbolique.
Angoisse et conflit intra-psychique
Dans sa seconde théorie, Freud pense l’angoisse comme résultat d’un conflit entre instances psychiques : ça, Moi, Surmoi. L’angoisse devient alors un signal d’alarme adressé au Moi, qui mobilise ses mécanismes de défense pour préserver l’équilibre psychique.
Quand les mécanismes sont efficaces (refoulement, sublimation, compromis), l’angoisse est contenue. Mais lorsqu’ils échouent ou sont trop rigides, le symptôme apparaît comme réponse secondaire. La qualité des mécanismes de défense varie selon les structures psychiques :
- Psychose : mécanismes archaïques (clivage, projection, déni, délire).
- Névrose : mécanismes plus élaborés (refoulement, déplacement, phobie, somatisation).
- États-limites : clivage de l’objet, ambivalence, attaques contre le lien.
Définitions et distinctions
L’angoisse est un vécu corporel intense, souvent sans objet identifiable. Elle s’accompagne d’une perte de pensée, d’un vécu d’urgence, de symptômes somatiques (gorge serrée, souffle court…).
Elle se distingue de :
- L’anxiété : plus mentalisée, liée à un danger réel.
- La peur : réaction à un danger externe.
- La phobie : encapsulation de l’angoisse dans un objet évité.
- La terreur, l’effroi, la panique : formes extrêmes avec paralysie ou débordement.
Angoisses du développement
Chaque stade du développement est marqué par une forme d’angoisse spécifique :
Stade | Angoisse associée |
---|---|
Naissance | Traumatisme vital |
Stade oral | Dévoration, persécution |
8ᵉ mois | Séparation, abandon |
Stade du miroir | Morcellement, perte de cohésion |
Stade anal | Destruction, effraction |
Œdipe | Castration |
Adolescence | Identité, vide existentiel |
Âge adulte | Angoisse de mort |
Ces angoisses, surmontées progressivement, laissent une trace. Elles peuvent réapparaître de façon déplacée, déclenchant des réactions actuelles à partir d’un noyau archaïque.
Conclusion
L’angoisse est un révélateur de l’impossibilité à symboliser une perte, une tension pulsionnelle non élaborée ou un conflit interne irrésolu. Elle signale un dysfonctionnement du travail psychique : incapacité à représenter, à différer, à élaborer. Dans le champ analytique, elle devient un indice précieux du point de butée du sujet. Le travail thérapeutique consiste alors à restaurer la capacité de liaison et de représentation là où elle a cédé.